J19 – Raphael Saint-Rémy

La deuxième vague

« Si vous connaissiez le temps aussi bien que je le connais moi-même vous ne parleriez pas de le gaspiller comme une chose. Le temps est une personne. »*

Si la science semble nous présenter le temps comme une référence unique et absolue, c’est que peut-être l’utilisation des montres ou des chronomètres est pour nous une évidence, comme s’il s’agissait par là de saisir le temps réel des choses. Pourtant, ce temps lui même a une histoire, celle des instruments de mesure qui servent à l’appréhender.

Loin d’être la référence unique, universelle et absolue à partir de laquelle les phénomènes dans leur ensemble pourraient être normés, le temps est donc un système de relations, quelque chose de relatif qui est fonction de l’histoire des hommes et de la structure même de leur expérience.

Il y a des temps – temps vécu, temps de la science, mais aussi temps économique ou NATUREL – qui ont chacun des rythmes différents. Ce n’est pas une ligne unique, mais un jeu de temporalités divergentes. L’Art Confiné se doit de les mettre en avant.

Le virus a sa propre temporalité, nous humains, nous plaisons visiblement à inventer la notre.

*Lewis Caroll, Alice au pays des merveilles. 

 

Pierre-Marie PEM Braye-Weppe et Arnaud NANO Méthivier, curateurs du Festival des Arts Confinés.

 

 

« En période de confinement, les grands espaces dont nos yeux sont privés migrent vers nos territoires internes. L’océan désormais inatteignable élit domicile en nous, berce sourdement nos organes. Ses vagues lèchent l’envers de notre peau, frappent encore et encore nos os — que l’on croirait plus pointus que d’habitude, moins solidement ancrés, perdus dans d’inconcrètes étendues et luttant contre un vent différent des autres, sauvage, analphabète. Nervosité profonde, souterraine, qui a sa propre houle, ses propres cycles de veille et de sommeil. Parfois cependant quelques éclats de voix font irruption dans ce tumultueux silence. Appels lancés là-haut depuis de douteux navires, par des êtres qui se disputent la barre sans que l’on sache si c’est pour gagner le large, s’écraser sur les récifs, ou affronter une vague d’autant plus redoutable qu’elle est hypothétique (donc certaine). Difficile de rester sourd à ces voix aigres, agressives. Sauf à se défaire de sa trop pesante condition humaine, et à échanger son corps contre un autre, le premier venu, celui d’une pieuvre, d’une hyène ou d’un pyrrhocore et, adoptant la sage philosophie de ce dernier, à marcher vaillamment (sans la peur du gendarme !) vers un présent sinon sans danger du moins toujours recommencé ».

Raphaël Saint-Rémy

 

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