Mon cher Titus

 

Mon cher Titus, lettre d’amour

Une création sonore de Edgar Nicouleau (musique originale) et Marie-Philippe Joncheray ( texte et voix)

Mon cher Titus,

Ce matin tu me manques terriblement. Ton absence ouvre une béance prodigieuse. Tu m’as fuie, tu t’es évanoui dans l’air, mais ton silence hurle à mes oreilles.Alors pour le combler, je t’écris une dernière fois.Et tu sais ce que je vais faire, avec cette lettre, je vais t’enterrer au fond de moi.Pour commencer j’imagine que je marche derrière toi. Tu ne sais pas que je suis là puisque tu m’ignores. Et soudain je t’assaille. Mes mains saisissent tes bras, agrippent ton tee-shirt et le déchirent. Je te fais basculer en arrière et te tire à terre. Et comme il a bien plu depuis des semaines sur ma terre pleine de larmes, ma terre est devenue boue, une boue lourde, onctueuse et chaude d’été qui a bien fermenté. Tu sens l’odeur qu’elle dégage, c’est de la matière organique. C’est l’odeur vivante de nos chairs abîmées. C’est l’odeur de nos sueurs doucereuses et acides, mêlées nuit après nuit. Je l’aime et je la déteste, cette odeur. Et je la recherche comme ma blessure que je continue de triturer parce que c’est tout ce qui me reste de toi. Cette douleur c’est encore toi. Je te propulse dans la mare de boue, épaisse et gluante où tu t’enfonces. Tu es surpris de cette attaque. Tu avais oublié mon existence peut-être. Mais, fantôme, tu es vulnérable. Tu as beau être plus grand et plus fort que moi, ta masse musculaire ne te sert à rien face à ma hargne. Tu tentes de te relever mais je ne t’en laisse pas la possibilité, je te presse et mes cuisses musclées, ô combien tu le sais, te bloquent. Je prends ton bras et je le tords. Tu râles. Je pince la chair de tes cuisses, de tes fesses, la peau de ton dos, et je vrille. C’est facile parce qu’elle est trop molle cette chair à laquelle je trouve tant de défauts à présent. Tu souffres. De mes mains je t’enfonce les épaules et la tête dans la boue. Tes mains cherchent mon corps. Enfin, tu réagis, tu es furieux. J’aime que tu le sois. Tu as compris que je voulais un corps à corps. Tu éprouves quelque chose alors… un sentiment. Et tu me fais mal avec tes mains autour de ma taille. Je prends une poignée de boue et t’en barbouille la bouche. Cette bouche douce et vorace qui me fut si bonne. Ah nos baisers profonds, nos dévorations. Je saisis ta tignasse. Elle eût été plus courte que je ne t’aurais même pas regardé la première fois quand ton regard me provoqua. Je tire de toutes mes forces et t’arrache un cri. Comme j’aime cette voix grave et profonde. Alors je plante mes crocs dans la chair de ton cou. Le goût de ton sang me plaît. Tu gémis. J’aime beaucoup quand tu gémis. Maintenant j’entoure ton cou de mes mains tandis que tu crois m’affaiblir en écartant mes cuisses avec tes jambes. Mais mes mains sont fortes. Petites, mais fortes. Et ton cou a la dimension idéale. Tout ton corps d’ailleurs est idéalement taillé pour mes mains, tu le sais, et mes mains serrent… et tu rougis et tu les saisis. La première fois que nos corps se sont approchés parce qu’aimantés, obsédés, seules nos mains sous la table pouvaient se toucher. Elles ont fait l’amour en premier. Elles se sont vraiment aimées nos mains avides qui s’exploraient. Je n’ai jamais connu ça avec un autre. Elles sont pleines de boue à présent nos mains qui se serrent à mort. Et ton regard s’enfonce dans le mien comme un poignard. Ton regard de bête sauvage que j’ai traquée et blessée. Voilà, je voulais retrouver notre folie. Nous détruire à jamais. C’est ce que je voulais.

B.

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