Résidistance DVDV/EDCEE # 22

L’errance labyrinthique de l’univers

Résidistance DVDV/EDCEE – Daniel Van De Velde/Expérience De Confinement En Extérieur

Épisode 22 : L’errance labyrinthique de l’universle 25/04/2020

Une plaine. La nuit dilapide les formes. Trois fenêtres rectangulaires, nettes et précises, émergent dans l’obscurité. Une silhouette passe. Les fenêtres s’éteignent. Une porte s’ouvre. Un homme sort, se dirige, cent mètres plus bas, vers une yourte fraîchement installée dans un parc. Il frappe à la porte. On lui ouvre. Il entre. De la fumée s’égare du faîte du toit. Les rumeurs olfactives parlent de châtaigniers, de chênes, de charmes et de frênes. Celle qui vit dans la yourte est chamane. Elle intercède pour qui le veut ou l’entend, en usant de la pluralité des mondes et de la force endémique des plantes présentes dans le parc. L’autre c’est un homme confiné que l‘errance labyrinthique de l’univers assaille. La chamane a accepté de le recevoir.

A force d’élixir, d’incantation, de transes, l’homme suffoque, s’égare. Il se lève. Il sort. Il reçoit de plein fouet, désorienté, la totalité du monde. Il s’y perd. En proie à de fortes paniques, il appelle. La chamane entend. Elle part à sa recherche. Elle le retrouve. La présence de la chamane le rassure. Il obtempère de facto à la singularité du parc. Tout autour de lui devient vibration, aimantation chamanique. Elle lui propose une marche. Il accepte. L’atmosphère est mauve. Le corps de la chamane est lent. Par cette lenteur, l’homme se recompose. Le parc dérive, les monts qui le ceinturent par l’ouest s’approchent. Le vent se lève, la voûte étoilée transfigure la nuit, la rend altière. La chamane absorbe la mélancolie de l’homme, la relâche dans l’atmosphère. Il le ressent. La rhapsodie des cycles environnants l’envahit. Son corps vibre. Il ressent les territoires des bêtes, des graminées. Plus loin, une forêt. Des errances de chênes, de genévriers, de genêts. Plus loin encore des saules, des trembles, des peupliers, des frênes. Un jeu de dentelles chlorophylliennes. Des bruits d’arbres, bruits que l’homme n’entendait pas l’instant d’avant. La chamane lui dit : Ton mode de vie est obsolète. Libre à toi de t’en défaire.

J’accepte de m’en défaire. Cette phrase lui a échappé. Trop tard. La chamane prête visage au vent. L’homme s’envole, virevolte, est prit de violents vertiges. Il a peur, il panique. Elle inscrit son corps dans le paysage sous forme de couleuvre vipérine, de fourmi, de tortue, de geai, de roitelet, de sanglier, de renard et de hanneton. Elle remonte par lui des vies entières de bêtes meurtries, blessées. Il hurle de douleur. Elle lui fait remonter le temps d’espèces disparues. Il est nulle part, muet, emmuré dans une indescriptible torpeur. Il se croit mort, se sait mort. La chamane lui touche le visage, le ramène à la configuration terrestre du vingt-et-unième siècle, là où ils sont présents tous les deux.


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