Résidistance DVDV/EDCEE # 8

Devenir une unité paysagère de confinement

Résidistance DVDV/EDCEE

Daniel Van De Velde/Expérience de Confinement en extérieur

Épisode 8 : Devenir une unité paysagère de confinement.

  Je vais dans le sens du temps. On s’apprivoise mutuellement. Le Renard et Le Petit Prince de St-Exupéry. Je deviens un fragment de temps qui selon l’humeur se disperse complètement ou bien devient une unité passagère. Une unité paysagère de confinement.

  Un jeu d’ombres accompagne ma silhouette dans le parc, des premières lueurs de l’aube au crépuscule. Ces ombres sont mon point d’ancrage. Des ombres inamovibles, lancinantes, irréversibles. Un jour j’en ferai un relevé, j’en dessinerai le contour, je les étalerai. Il en ressortira forcément une cartographie singulière. Des marqueurs de temps où le corps, dont l’alliage est fait de poussières d’étoiles, résonnera d’un lien singulier entre l’ordalie solaire et les frondaisons telluriques de mon lieu de vie temporaire.

    Plus j’avance dans mon travail, plus mes marqueurs existentiels sont ceux du multivers. Un jour, j’ai eu une belle conversation avec le philosophe et physicien Étienne Klein dans le cadre d’un colloque Art, Science et Pensée à Mouans-Sartoux. Devant l’une de mes œuvre, un tronc de frêne, d’abord foudroyé puis tombé après une tempête. Je l’ai creusé en ne laissant que deux cernes annuels de croissance. De 2012 à 2014, si je me souviens bien. Étienne Klein a eu cette phrase magnifique qui m’a ouvert de belles perspectives : « Ce sont deux lignes cosmiques dans un espace temps. »

  Quelles que soient leur taille, leur fonction, leur valeur d’usage, les objets sont devenus des personnages singuliers qui s’éveillent pour nous radiographier et nous interroger. Comme le dit si bien Bruno Latour, nous ne sommes plus sur une scène où le décor agrémenterait notre présence. La scène bouge devient actrice. Elle nous enjoint de définir de nouvelles règles du jeu. Ce temps de confinement est peut-être là pour ça aussi.

  Le silence, conséquence logique de ce confinement généralisé. Un relâchement. Un ensemble de sons désordonnés et indéterminés. Des ombres et des sons et pour trait d’union les bêlements répétitifs de Bob le mouton et le bruit des gouges et des massettes. C’est fou ce besoin qu’a Bob de communiquer.

  Hier j’ai fini de creuser le mélèze de Valdeblore : 39 sections de bois de 50 cm environ. Les derniers tronçons. Mon esprit tangue et tutoie la cime des arbres omniprésents dans le parc. Normal, creuser les tronçons 37, 38 et 39 c’est être pratiquement à 20 mètres de haut en équilibre pour mettre à jour quelques cernes de croissance. Voir la rubrique « Puits de lumière » sur le site du lyceedelamontagne.fr

  Ce n’est plus le bois qui organise l’architecture du tronc mais le vide. Un vide contenu et fragmenté sous forme de lumière fossilisée.

  De la lumière, des sons, des ombres, des arbres qui tanguent. Je me souviens de cette très belle conversation téléphonique avec PEM. Il disait que ce travail sur les arbres, rendait manifeste que le temps était une entité vivante. Il disait cela aussi parce qu’il travaille le son. Improviser ce n’est pas projeter, c’est absorber pour rendre manifeste. Dans ce registre PEM et Nano savent y faire.

On a aussi parlé d’émotions, de l’inappropriable. Que si l’on rendait la terre et certaines œuvres d’art inappropriables, on pourrait commencer à envisager différemment notre rapport à la pluralité des mondes.

   A huit ans, j’ai perdu l’usage de mon oeil gauche. Je m’étais malencontreusement trouvé sur la trajectoire d’une pierre. Résultat, mon premier long séjour à Paris, trois semaines confiné dans l’hôpital des Quinze-Vingts. Ma compagne Alice, vient de m’offrir un livre du philosophe australien Glenn Albrecht, Les Émotions De La Terre. Le sous-titre : Des nouveaux mots pour un nouveau monde.

. Pour clore sa préface, Glenn Albrecht écrit : « Je remercie la chouette de Minerve, la déesse de la sagesse, pour m’avoir donné l’inspiration dont j’avais besoin pour réaliser cet ouvrage. Comme le dit Hegel, cette chouette ne s’envole qu’au crépuscule. Je remercie également les peuples indigènes d’Australie et leur oiseau totémique, le Kookaburra, pour leurs lumière. Selon les légendes aborigènes, cet oiseau australien rit aux éclats quand pointe l’aube – et à ce moment-là seulement. »

Je dédie à la chouette de Minerve, les copeau ci-dessus qui tels quels sont une façon de générer du compost. Je dédie, la vue ci-dessous, l’intérieur d’un tronc segmenté et évidé au Kookaburra.

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